NOSTALGIE
(Extrait de la Presse
locale de B.)
D’après une nouvelle
vague, non confirmée par une source sûre, on apprend qu’un incident tragique
s’est produit dans une maison de retraite d’Arcy-sur-Cure.
Là, Monsieur M. , ancien
marin au long cours, coulait des jours heureux, toujours entre deux eaux. Ne
s’était-il pas retiré dans ce charmant petit coin de France entre Bourgogne et
Loire pour y soigner en toute quiétude ses rhumatismes grâce aux eaux de la
cure ? Et puis, ne dit-on pas dans le pays qu’on y fait de vieux os ?
Les habitants d’Arcy le
connaissaient bien. Sa fréquentation assidue des lieux de cure faisait
l’admiration de tous. Certains pensaient même qu’il en abusait. On disait qu’il
buvait plusieurs litres par jour, et malgré tout, son état ne semblait guère
s’améliorer ; bien que son teint ait repris la couleur de terre cuite des
anciens boucaniers.
En effet, on le
rencontrait souvent, louvoyant d’une façon hasardeuse, qu’expliquait plus une
grande fatigue qu’une simple allure de vieux loup de mer qu’il était.
Dernièrement, ce
sympathique transfuge de l’océan, qui avait si bien assimilé les coutumes et
les produits locaux, pris sans doute d’une crise de nostalgie ou de vague à
l’âme, s’est mis en tête de commander un paquet de mer !
Ce qui devait arriver
arriva. Le colis aussi. Lorsqu’il l’ouvrit, il en reçut le contenu en pleine
face. En un clin d’œil, il fût submergé par des flots de souvenirs et d’eau
salée qui l’emportèrent comme une coquille de noix sur l’océan des regrets.
On a retrouvé son corps,
toujours entre deux eaux, celles de la Cure qu’il avait tant appréciée.
La nostalgie est bien
toujours ce qu’elle était, quoi qu’on en dise !