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Pratique de la dérision pure
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Pratique de la dérision pure
7 novembre 2007

LA CHOUETTE

J'habite une petite ville. Et, ce que certains pourraient considérer comme un grand privilège, je dispose d'un jardinet. Et le dit jardinet, entouré de murs bien citadins, attire quelques oiseaux en quête de nourriture; c'est leur droit de vouloir vivre !

J'aime bien les oiseaux. Ni derrière des barreaux, leurs vols ne sont pas répréhensibles, ni en brochettes comme certains chasseurs écologistes. Je les aime libres. Je les considère comme des éléments indispensables à notre entourage comme l'est la végétation en général et les fleurs en particulier.

Pendant l'hiver, je dépose quelque nourriture dans un récipient pour les aider à passer la période de disette. Figurez-vous qu'hier, je m'apprêtais à disposer mon viatique quasi quotidien à l'endroit habituel, en marchant selon ma manière –acquise je ne sais où– de faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger la nature. Soudain, sur le mur qui se tenait à ma droite comme d'habitude (le mur de gauche est de l'autre côté), j'aperçois une chouette qui y était perchée à moins de quatre mètres devant moi. Elle me tournait le dos. Je continuai à marcher car elle ne me gênait pas. Mais cet animal nocturne a l'ouie fine par nécessité.

Alors se produisit quelque chose de stupéfiant ! La chouette tourna lentement la tête vers moi, me regarda dans les yeux, esquissa un sourire, déploya son aile droite –elle était certainement droitière– me fit face un peu plus, déploya l'extrémité de ses rémiges pour former comme un index, puis l'agita plusieurs fois comme pour me dire :« Ah ah petit coquin, tu voulais me surprendre n'est-ce pas ? Mais je suis plus maligne que tu le crois ! ». Puis lentement elle s'envola, sans s'affoler, sans froufrouter, sans ululer et sans rancune ! Enfin j'espère !

Je suis resté interdit, ce qui est autorisé, puis divers sentiments se sont succédés dans mon esprit fertile.

chouette

J'énumère chronologiquement.

D'abord, je fus étonné. C'était en effet la première fois que je me trouvais quasiment en tête-à-tête avec une chouette. Je dis « chouette », car mes connaissances en la matière ne sont pas plus avancées que celles que j'ai sur les chats. Aussi serais-je bien incapable de préciser sa marque: était-ce une Nyctea scandiaca, une Strix aluco ou une Strix nebulosa. Allez savoir. Enfin elle était strigiforme c'est certain.

Surpris aussi , moi qui ne suis pas noctambule, de rencontrer un représentant des rapaces nocturnes alors qu'il faisait grand jour. Coi de surcroît , car je ne savais pas que les chouettes souriaient, ni qu'elles pouvaient montrer quelqu'un de la rémige !

Suspicieux: pourquoi était-elle venue se poser, ou se reposer, sur mon mur à moi, alors qu'elle avait le choix entre plusieurs milliers de murs semblables au mien ? Surtout au moment où je pénétrais dans mon jardin. Y a-t-il une signification métaphysique ou simplement symbolique à cette simultanéité des évènements ? Enfin, ce n'était pas un vieux restant de nouilles agrémenté de pain trempé et de quelques graines qui avait pu l'attirer en ces lieux. Autant que je sache, ces bestioles sont plus enclines à déguster quelque rongeur bien frais plutôt que des spécialités italiennes !

Puis circonspect, parce qu'enfin, je n'étais pas animé de mauvaises intentions à son égard. Je ne voulais pas qu'elle s'effraie ! Je souhaitais seulement la saluer poliment, lui dire combien j'étais flatté qu'elle ait choisi mon jardin pour s'y reposer un instant, qu'ainsi elle l'avait décoré joliment de son bouquet de plumes et que je l'en remerciais beaucoup. Cela eut été je pense assez urbain de la part d'un citadin rencontrant une personne à la ruralité assez prononcée !

Puis un peu vexé tout de même. Me traiter de galopin à mon âge –je ne dirai pas lequel– était un peu cavalier de sa part. Je ne sais pas quel âge elle pouvait avoir, je n'ai pas eu le temps de lui demander, mais j'aurais préféré que nous eussions un entretien d'égal à égal, plutôt que de subir cette condescendance amicale qui m'a, disons-le, laissé pantois et ce départ qui, sans être précipité, n'en fût pas moins impertinent.

J'espère toutefois qu'elle reviendra un jour, pas la nuit je ne suis pas disponible: je dors. Alors je pourrai lui expliquer quelle fût exactement ma position et je pense que j'arriverai à me disculper à ses grands yeux. Elle pourrait en retour m'indiquer les raisons qui l'avaient conduite jusqu'à mon mur et je ne doute pas que nous deviendrions ainsi les meilleurs amis du monde.

C'est cela qui serait… ch…armant !

(photo wikipedia)

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