DRAME FAMILIAL
Hier soir, aux environs de vingt heures
trente-trois, un drame atroce a failli se dérouler rue Sadique Arnaud, bâtiment
C, porte AB, appartement 023.
A la suite d’une querelle avec son mari au sujet d’un camembert faisandé, Madame Virago, née Lemplumé, 34 ans le 23 juillet prochain, s’est soudain saisi d’une chaise de la salle à manger Henri II, l’a brusquement placée devant la fenêtre du salon Directoire, est montée dessus et, devant son mari impuissant, a grimpé sur le rebord de la dite fenêtre, malencontreusement ouverte, et s’est jetée dans le vide.
Les pompiers, alertés par des voisins témoins du
drame sont arrivés rapidement sur les lieux en même temps que le mari, éperdu
d’angoisse. Ils n’ont pu constater que la pauvre victime gisait sans connaissance
dans les nouvelles plantations réalisées la veille par le jardinier du
lotissement..
Au bout de quelques minutes, Madame Virago, a repris
ses esprits, au grand soulagement de la foule et quelques applaudissements
saluèrent cette bonne nouvelle. Après un examen pointilleux, le médecin,
accouru également sur place, a déclaré que la victime devait être transportée
d’urgence à l’hôpital, comme il est coutume dans ces cas là.
Ce matin, un porte-parole de l’hôpital a déclaré à
la foule massée devant les grilles de
l’établissement que l’état de la victime était très satisfaisant, l’opération
ayant parfaitement réussi. Pressé par les spectateurs avides de détails, le
porte parole a finalement consenti a préciser que l’opération avait consisté à
extraire de multiples corps étrangers de certaines parties de celui de la
victime, mais que la pauvre rescapée pourrait regagner son domicile dans la
soirée. Une salve d’applaudissements souligna ses propos.
On n’ose imaginer ce qu’aurait pu être le sort de cette
pauvre Madame Virago si elle n’avait pas habité au rez-de-chaussée ! Ou si
le jardinier avait oublié son râteau sous la fenêtre assassine !
Le dit jardinier a déclaré qu’il ne porterait pas
plainte contre la destruction d’une partie de sa plantation de cactus et
Monsieur Virago a décidé de jeter son camembert.
Comme quoi le civisme n’est pas mort.